Grandir...
Je t'aime tant. Et c'est parce que je t'aime que je te laisse partir. Et c'est parce que je t'aime que je laisse cette petite main s'éloigner de la mienne. Le petit être tout en dépendance, fragilité, vulnérabilité n'est plus. Les ailes lentement se déploient. Les inquiétudes que j'ai de te voir grandir sont les invitations de la vie à me faire accepter l'inacceptable... Ne pas être indispensable... L'ai-je déjà été finalement? Certainement pas! Ne pas te couper du monde, des mondes, des obstacles et des autres au nom d'une illusoire protection. Ne pas te couper du monde pour ne pas te couper de toi.
Plus de deux années sont passées. Quelques jours loin de toi où je ne me suis jamais senti aussi proche, autant père, aussi dépendant, fragile, vulnérable.
Prendre conscience que te préserver de ce qui n'inquiète, de ce qui ne bouleverse que moi est l'empreinte la plus profonde que je laisserai du manque de confiance que j'ai envers l'être que tu es, avec ses forces, ses faiblesses, ses contours et ses nuances. Vouloir t'éloigner de ces instants supposés obscurs c'est t'éloigner du chemin, de ce pèlerinage que tu es venue faire.
Par ces mots, tendre Louise, te dire que même si le père que je suis n'est qu'esquisse et tentative, je garde pour horizon cette idée, cette foi que j'ai toujours eu lorsque nous parlions de toi sans savoir que ce serait toi, qui me dit que le plus beau cadeau que je puisse te faire c'est de te laisser être, de t'aider à mettre un pas devant l'autre en toute confiance, de te proposer une main tendue, ouverte, mais d'accepter aussi que tu puisses ne pas en avoir besoin. Etre père c'est être capable d'abandonner cet amour sans limites à l'éternité de ces instants qui font de chaque matin une pierre ajoutée à l'édifice d'une séparation heureuse.
Je t'aime. Papa.